Les incontournables blessures
Rejet, abandon, humiliation, trahison et injustice
Publiée le dimanche 09 octobre 2022 à 20h04
Qu'en est-il réellement de ces fameuses blessures ?
Le concept des cinq blessures de l'être (ou de l’âme) a été développé par John Pierrakos qui était un disciple de Reich, dissident inspiré de la psychanalyse freudienne. Lise Bourbeau a vulgarisé le travail de ces grands noms de la psychiatrie et de la psychanalyse pour en faire son best-seller mondial « Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même ». L'auteur classifie et catégorise les individus et leur « masque » tout en offrant des « solutions ». C'est très réconfortant pour le lecteur car il peut s'identifier. Or, s'identifier c'est comme se définir. Tout ce qui est nommé, donc défini, est limité. Dans le travail en Psychosynthèse, une étape très importante est la désidentification. Se désidentifier consiste à ne plus s'identifier à une représentation de soi de façon à ouvrir le champ des possibles de ce que nous pouvons également être. C'est pourquoi j'aborderai les blessures de manière différente, ne rejoignant pas Lise Bourbeau dans des définitions trop marquées à mon sens.
Toutes les blessures sont vécues et restent présentes, la vie appuyant un peu plus fort sur l'une ou l'autre.
Le rejet : A la naissance, nous sommes physiquement expulsés, rejetés par le corps de la mère à grands coups de contractions. Le premier paradoxe de l'existence est là : vouloir quitter cette matrice si douillette (car normalement le bébé est acteur de sa naissance) et d'une certaine manière la regretter à la seconde où l'air lui brûle les poumons (enfin je n'en sais rien, c'est une hypothèse). L'empreint psychique reste forte. Hors il n'y a aucun autre moyen pour vivre et exister que de sortir du corps de sa mère. Tout est normal, il n'y a pas de problème. C'est quand la blessure est revécue que les choses se compliquent : on ne veut pas de moi. La répétition d'un trauma devient un traumatisme. Personnellement j'ai complètement à voir avec cette blessure de rejet puisque dans ma construction j'ai eu l'impression d'être une patate chaude pour ma mère qu'il fallait refiler à d'autres (père, tante, internats). Un enfant non désiré peut aussi avoir ce sentiment, ou quand l'enfant n'est pas du sexe attendu. Il a inconsciemment l'impression de décevoir ses parents.
L'abandon : Après ce vécu du rejet vient rapidement celui de l'abandon car le bébé doit se manifester pour obtenir nourriture et confort, contrairement à l'état qu'il connaissait avant de naître. Et si le besoin n'est pas assouvi immédiatement, outre la frustration, apparaît alors le sentiment d’abandon survient : on ne s'occupe pas de moi. Évidemment le rejet suscite immanquablement un sentiment d'abandon. Cependant se sentir abandonné est différent de se sentir rejeté. Pourquoi les enfants veulent jouer dans le salon, trouve 10 000 excuses pour ne pas aller au lit, préfèrent faire leurs devoirs sur la table de la cuisine, regarder un film sur le canapé avec leurs parents, etc. Parce qu’ils ont besoin d'attention. Ah, je suis certaine que tout cela vous est familier ! Ce sentiment d'abandon peu surgir avec la naissance d'un petit frère ou d'une petite sœur qui nécessitera l'attention des parents. L’aîné se sentira délaissé, abandonné.
A ce stade vous avez déjà compris que nous cumulons les blessures et qu'elles s'imbriquent les unes dans les autres. Passons donc aux suivantes.
L'humiliation : Les deux premières blessures ont à voir avec le lien au parent, à la relation. Ici c'est très différent. L'humiliation est en rapport avec l'estime ou l'image de soi... et il n'y a vraiment pas grand chose à faire pour humilier un enfant ! Tout un chapelet de remarques, des plus anodines aux plus vexatoires vont défiler dans notre enfance : tu es méchant, tu t'es trompé, tu n'arriveras jamais à rien, ma pauv'fille, tu manges trop, tu es puni, etc. Ce qui est chaque fois entendu : je ne vaux rien. Le sentiment associé à cette blessure est la honte. Autant vous dire qu'il y a du boulot !!! L'humiliation provient aussi des châtiments corporels, des attouchements sexuels ou des viols. Dans ce cas non seulement l'image de soi est détruite mais en plus il y a un syndrome post traumatique qui s'installe de façon durable tout au long de la vie. Les personnes dont l'humiliation est la blessure majeure sont du pain béni pour les pervers narcissiques qui jouent sans cesse entre valorisation et dévalorisation.
La trahison : immanquablement les parents « trahissent » leurs enfants. C'est tout simple en fait et ça commence tôt. En fait les parents devraient avoir des boules de cristal pour savoir ce dont leurs enfants ont besoin, soit qu'ils ne sont pas encore capables de le verbaliser, soit parce que du point de vue de l'enfant, c'est « évident » que mes parents savent de quoi il a besoin. Donc, ce parent en qui j'ai une confiance aveugle me trahit ! Je ne peux pas faire confiance. Et si je ne peux pas faire confiance à mes parents, alors à qui me fier ? Et bien à personne, je vais me méfier de tout le monde et tenter de contrôler mon environnement. Le seul moyen d'éviter la blessure de trahison, c'est de ne pas faire confiance. Or c'est la confiance qui est garante de la qualité d'une relation.
Bien sûr il y a double peine avec la blessure précédente (l'humiliation) dans le cas de sévices au sein de la famille sensée représenter un cadre sécure.
L'injustice : ce sentiment apparaît quand il y a au moins un autre enfant dans la famille et il renvoie au sentiment d'abandon. Avez-vous remarqué à quel points deux enfants du même sexe sont différents, pour ne pas dire opposés ? Mes deux fils aînés sont ainsi, ma sœur et moi l'étions aussi.
Il y a une rivalité consciente ou inconsciente. Il arrive que l’aîné soit montré en exemple au cadet. C'était mon cas et autant vous dire que ma sœur l'a mal vécu. Le cadet vient troubler la sérénité d'un enfant jusque là unique. Le petit trouve toujours le moyen de faire « engueuler » le grand à sa place, qui lui s'est entendu dire qu'il fallait être gentil avec le petit. Souvent l’aîné trouve que son cadet est beaucoup plus gâté ou pris en compte que lui. Et, aller savoir pourquoi, c'est souvent vrai ! Ceci dit quand mon père nous a offert à ma sœur et à moi un caméscope pour un Noël, il a pris une grande marque pour elle... et pas pour moi ! Ce sentiment d'injustice vient aussi chaque fois que l'enfant ne peut pas s'exprimer librement, que ses émotions ne sont pas entendus. La traduction de tout ça est : je ne compte pas ou je compte moins que. C'est un peu différent du je ne vaux rien que l'on trouve dans l'humiliation. Mais l'un n’empêche pas l'autre me direz-vous. Et vous avez bien raison. Le grand défi pour cette blessure consistera à trouver sa place, s'affirmer.
Ni vous ni moi n'aimons souffrir ! Et nous mettrons tout en œuvre pour éviter de revivre la blessure... et la revivrons irrémédiablement ! C'est dingue, non ? Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ?
Parce que nous créons ce que nous pensons : quand toute notre attention est portée vers une chose, immanquablement elle se produit. C'est ainsi que nous nous serons plus marqués par une blessure que par une autre... en tentant de lui échapper ! Mais qui serions-nous donc sans nos blessures ? Ne nous façonnent-elles pas de manière à nous rendre plus humains, plus compatissants, plus empathiques, plus tolérants, bienveillants ? A condition bien sûr de pouvoir les dépasser, les transformer. GRACE à nos blessures nous devenons meilleurs.
Nous vivons donc tous avec ces blessures, elles sont intrinsèquement liées à la manière de conduire notre existence, elles l'oriente de manière inconsciente. C'est pourquoi en psychothérapie en Psychosynthèse, la « prise de conscience » est la première étape du processus de transformation. Prendre conscience, c'est faire entrer dans le champ de conscience des éléments qui n'y sont pas. Il y a des techniques pour ça, j'en parlerai plus tard. Fort heureusement, nous avons une capacité d'adaptation tout à fait extraordinaire et, si vous lisez ces lignes, c'est que vous avez su vous construire de manière suffisamment équilibrée pour n'être ni fou, ni mort. C'est à dire conscient de votre souffrance. Sans cela, aucun travail n'est possible !